Lettre ouverte de la CPED, soutenue par France Universités, à la Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et au Ministre chargé de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. – 31 janvier 2025 

La Conférence Permanente des Chargé·es de Mission Égalité-Diversité (CPED) souhaite par la présente vous faire part de ses vives inquiétudes et de ses attentes concernant la situation actuelle en matière d’égalité, de diversité, d’inclusion et de lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR).

La CPED est une association, regroupant 113 établissements publics d’ESR, qui œuvre depuis plus de dix ans à la promotion de l’égalité et de la non-discrimination. Malgré des avancées notables, les politiques publiques en la matière et les moyens alloués sur ces sujets (0,014% du budget annuel du MESR) sont très loin d’être à la hauteur des enjeux rencontrés dans les universités et les écoles. Ainsi, les initiatives et les dispositifs mis en place reposent actuellement, pour la plupart, sur des bonnes volontés qui s’épuisent et des personnes en CDD ; tout cela uniquement sur les ressources propres d’établissements déjà bien en difficulté. Ce manque de moyens humains et financiers est un frein à la mise en place de politiques ambitieuses et impactantes à long terme.  

Dans un contexte national et international très instable, nous demandons le soutien du Ministère et plus largement du gouvernement dans les différents dispositifs de lutte contre toutes les violences et discriminations. Nous souhaitons attirer votre attention sur des demandes urgentes et essentielles pour l’efficacité des politiques d’égalité, de diversité et d’inclusion dans nos établissements :

  1. Renforcement des moyens alloués aux missions égalité-diversité-inclusion : les établissements n’ont pas les moyens humains et financiers nécessaires. Par exemple, plus de la moitié des personnels des missions égalité des universités sont actuellement en CDD. “Près de la moitié de leurs contrats se terminaient en 2024″ (Lettre ouverte des “personnels non-enseignants des Missions Egalité-Diversité des établissements de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche », 2024). De plus, il n’existe aucun cadre réglementaire concernant les moyens financiers alloués à nos sujets créant des inégalités territoriales importantes (Enquête Remède 2022). Il est essentiel que le gouvernement s’engage à garantir des ressources pérennes, sans mise en concurrence des établissements et que ces ressources soient à la hauteur des enjeux actuels. Les missions égalité-diversité-inclusion doivent être financées et portées par une politique nationale, stratégique, équitable et pérenne. Cette politique ne peut pas reposer uniquement sur les fonds propres des établissements. Nous demandons un soutien financier équitablement réparti qui s’applique à chaque établissement dans un cadre de lois ambitieuses et exigeantes pour l’égalité réelle. 
  1. Renforcement de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles : 1 étudiante sur 10 est victime de violences sexuelles au cours de ses études selon l’Observatoire des VSS de l’ESR (2023). Après des faits de VSS, 9,3% des étudiant·es ont arrêté leurs études; 5,6% des étudiantes disent avoir redoublé ou été en échec scolaire (Enquête Virage / Paris 7, 2023). Dans un avis spécifique, la Défenseure des Droits (2022) rappelait l’impact des VSS sur les études et le travail des femmes et des minorités de genre créant des inégalités de parcours et de carrières contraires aux droits humains. Nous le constatons quotidiennement sur le terrain : nos cellules d’écoute et de traitement doivent faire face à la hausse permanente des signalements pour des faits de VSS. Il existe un décalage abyssal entre les besoins chiffrés et les moyens actuellement déployés. Nous demandons un plan d’action national élaboré de manière concertée, sans mise en concurrence entre les établissements publics, qui prévoit des mesures concernant : le recrutement de personnels spécialisés dans les établissements, des formations obligatoires pour tous les personnels, la structuration de la prise en charge des victimes, une réflexion sur la prise en charge et la réintégration des auteurs ainsi qu’une réforme des sections disciplinaires. 
  1. Renforcement de la lutte contre les agissements à caractère discriminatoire, les discriminations, les différents types de harcèlement et les discours de haine : Un testing, réalisé par l’ONDES (Observatoire National des Discriminations et de l’Egalité dans le Supérieur) a révélé que les personnes ayant un nom et un prénom qui évoquent une origine d’Afrique du nord ont 12% de chance en moins de recevoir des informations pour postuler à un Master qu’une personne dont le nom et le prénom suggèrent une origine Française. Il est intolérable de constater dans l’enseignement supérieur et la recherche un nombre grandissant d’actes discriminatoires et de harcèlement, notamment sexuel, LGBTphobe, validiste, raciste, classiste et en lien avec avec la confession dont l’antisémitisme et l’islamophobie. Il est indispensable que les pouvoirs publics affichent un message d’intransigeance sans ambiguïté envers chacune de ces discriminations. Les chef·fes d’établissements prennent leurs responsabilités, avec la désignation de plus de 140 référent·es laïcité et référent·es racisme-antisémitisme. C’est d’une seule voix que nous devons porter les valeurs républicaines qui nous animent. Nous demandons que ces sujets soient pris en compte, à part entière, dans un plan d’action national élaboré de manière concertée avec des moyens alloués spécifiques, ambitieux et équitablement répartis sur le territoire. 
  1. Promotion d’une plus grande diversité sociale et culturelle : l’enseignement supérieur doit refléter la diversité de notre société. Il doit défendre et promouvoir des valeurs de tolérance, de soutien et de respect mutuel garantissant le bien-être des personnes. Il doit être exemplaire et moteur sur les questions de parité et de mixité au sein des filières.  Il doit faciliter l’accès aux études supérieures pour les étudiant·es issu·es de milieux défavorisés ou sous-représenté·es. Nous demandons une intensification des initiatives législatives pour accompagner les établissements à atteindre des objectifs clairs en termes de parité et de représentation des minorités et de mixité sociale.
  1. Suivi et évaluation des politiques égalité-diversité : il est indispensable d’évaluer l’impact du plan VSS 2021-2025, des plans d’action pour l’égalité professionnelle, de l’index d’égalité professionnelle et d’identifier les domaines nécessitant des actions correctives. Nous demandons la mise en place d’un suivi rigoureux et transparent des politiques d’égalité, diversité, inclusion et des moyens alloués par les pouvoirs publics.  

Madame la ministre, Monsieur le ministre, les enjeux liés à l’égalité et à la diversité doivent demeurer une priorité de l’action publique. 

Nous avions déjà alerté les politiques le 20 décembre 2022 par une lettre ouverte à la ministre de l’ESR* ainsi que le 24 juin 2024 par un communiqué de presse**, sur la dichotomie entre l’importance des enjeux liés à l’égalité et les moyens alloués à ces questions. Nous vous appelons à considérer l’impact de vos actions sur la cohésion sociale et à œuvrer pour un avenir inclusif où la promesse d’égalité, valeur républicaine essentielle, aurait les moyens d’être tenue. Nous, CPED, continuerons de plaider en faveur d’orientations et de lois qui respectent la diversité des personnes, protègent, incluent et luttent contre toutes les formes de discriminations et de haines dans nos établissements. 

Nous restons à votre disposition pour toute rencontre ou échange visant à renforcer la prise en compte de ces enjeux au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Veuillez agréer, Madame la Ministre et Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.

La Conférence Permanente des Chargé·es de Mission Égalité-Diversité (CPED)

*”Pour une politique de lutte durable et efficace contre les violences sexuelles et sexistes dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche”

**”Les missions égalité-diversité des établissements d’enseignement supérieur appellent à placer les enjeux d’égalité et de non-discrimination au cœur du débat politique.”